Interview

La plus belle saison estivale de notre histoire

NICOLAS DAYOT, Président de la Fédération Nationale de l’hôtellerie de plein air (FNHPA)

La saison 2022 a été particulièrement faste pour les établissements de l’hôtellerie de plein air qui ont vu la fréquentation des campings atteindre un niveau record. Entretien avec Nicolas Dayot, président de la Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air (FNHPA).

Quel bilan tirez-vous de la dernière saison estivale en termes de fréquentation ?

Ce qui ressort de manière très claire des chiffres de l’Insee c’est que l’hôtellerie de plein air a fait la plus belle saison estivale de son histoire. En 2019, qui était une année record, nous avions enregistré 98 millions de nuitées entre le 1er juillet et le 30 septembre. Cette année nous en sommes à 102 millions de nuitées pour la même période. Au total, nous avons accueilli quand même près de 800 000 personnes supplémentaires dans les campings. On accueillait à peu près 23 millions de personnes auparavant durant la saison entière ; nous devrions monter à 24 millions. Nous avions annoncé au cours de l’été que l’on dépasserait les 130 millions de nuitées et, si l’on applique le taux de progression sur la saison, autour de 6 %, on va être à 135 millions de nuitées.

Quels sont les événements marquants de cette saison ?

L’hébergement locatif a surperformé par rapport aux emplacements nus. Ce que l’on constate aussi c’est que les 3, 4 et 5 étoiles et notamment les 4 et 5 étoiles progressent davantage que les campings d’entrée de gamme qui continuent d’enregistrer une érosion de leur fréquentation. La clientèle se concentre sur les campings qui proposent des équipements, des services et des prestations. C’est notamment le cas des classes populaires. Lorsque certains évoquent la montée en gamme des campings, cela donne l’impression que l’on accueille de plus en plus de gens aisés. Or, la réalité c’est que nous recevons toujours la même proportion de classes populaires et même davantage. Les classes populaires, qui sont notre cœur de clientèle, veulent des campings avec des piscines, des aires de jeux, des animations, etc. Elles recherchent aussi des hébergements locatifs avec des équipements comme la télé, le wifi, la salle de bain, etc.

Avez-vous noté un retour des touristes étrangers ?

Oui, c’est vraiment marquant et c’est un point très positif. Nous avons retrouvé peu ou prou la répartition Français / étrangers de l’avant Covid. Le retour des étrangers est avéré, notamment pour les Anglais, et nous accueillons toujours la même typologie de touristes étrangers : les Néerlandais d’abord, les Allemands, les Belges et enfin les Britanniques en quatrième position cette année. Les étrangers plébiscitent les emplacements nus : tente, caravane, camping-car, van & fourgon.

Les établissements de plein air ont-ils réussi à préserver leur rentabilité ?

Il y a une augmentation des coûts des matières et l’on n’a pas répercuté la hausse des prix comme ont pu le faire les hôtels. Les hôtels ont beaucoup souffert pendant le Covid et ont augmenté fortement leurs prix, mais sans rattraper le niveau de fréquentation antérieur à la crise sanitaire. Nous, c’est le contraire. On a dépassé le niveau de fréquentation d’avant Covid, mais les prix de location n’ont pas intégré les hausses auxquelles nous avons dû faire face. Nous avons une clientèle populaire et une hausse de prix trop importante aurait un effet immédiat sur la fréquentation. Si la fréquentation a été bonne, nous rencontrons des difficultés d’approvisionnement, notamment en matière d’hébergements, ce qui pourrait avoir un impact sur le développement de certains campings. Il va falloir encore une bonne année pour arriver à réguler le marché de la fabrication des hébergements légers de loisirs, notamment les mobil-homes. De plus, tous les fournisseurs ont augmenté leurs tarifs ce qui génère des surcoûts importants au niveau des investissements, mais aussi des charges de fonctionnement. S’ajoutent des difficultés de recrutement de personnel, sachant que début juin il manquait 4 000 saisonniers sur les 40 000 employés par la profession. Certains campings ont été obligés de réduire les horaires ou de fermer leurs restaurants. Donc tous les indicateurs ne sont pas au vert, mais le camping a démontré une fois de plus qu’il était résilient. Pour la saison 2022-2023 je suis optimiste sur la fréquentation, mais plus inquiet sur la rentabilité, la structure des charges, les investissements et la capacité des établissements à maîtriser le dérapage inflationniste des charges des entreprises.

Comment faites-vous face aux problèmes de recrutement qui affectent le secteur du tourisme ?

Nous avons mis en place une stratégie nationale sur ce sujet. Cela s’est traduit par la création d’une plateforme des métiers qui va présenter la multitude d’activités proposées par les campings et leur montrer que l’on peut faire carrière, sachant que 10 000 des 50 000 emplois que nous proposons sont des CDI. Nous avons également souhaité créer une marque employeur de branche pour aider les campings indépendants à mieux se vendre auprès des salariés potentiels. Les campings adhérents à la FNHPA ont ainsi accès à un kit de communication qu’ils pourront utiliser lors de leurs opérations de recrutement. Leur tâche sera d’autant plus facilitée que notre plateforme est reliée sur celle de pôle emploi, via « monemploi-tourisme.fr » afin que les offres soient diffusées auprès du plus grand nombre. Le sujet de l’emploi est aujourd’hui crucial car nos établissements proposent de plus en plus de prestations et de services qui génèrent d’importants besoins en personnels. Dans les cinq à sept années à venir, nous aurons ainsi besoin de 10 000 collaborateurs supplémentaires. Enfin, nous avons veillé à ce que les métiers de l’hôtellerie de plein air soient bien présents dans la campagne nationale d’attractivité des métiers du tourisme de 9 millions d’euros lancée par le gouvernement

À l’heure où les questions d’environnement font la une de l’actualité, où en est le plan Camping durable 2030 ?

L’expérimentation a démarré il y a 2,5 ans avec l’Ademe en Bretagne, en Nouvelle-Aquitaine et en Corse. Des chargés de mission environnementale ont été embauchés pour accompagner les campings sur le terrain. Ils connaissent les contraintes de la profession et se chargent de toutes les démarches administratives. Cela rencontre un tel succès que nous estimons qu’il faut étendre l’expérience au niveau national. Par ailleurs, nous avons élargi le spectre avec un gros volet énergie solaire, indispensable pour abaisser la facture énergétique. Nous avons également ouvert un chantier avec l’Office français pour la biodiversité et la Ligue de la protection des oiseaux afin de réduire l’impact des campings sur la biodiversité et notamment sur la transformation des végétaux dans nos établissements afin qu’ils produisent moins de déchets verts et propagent moins les incendies. Nous souhaitons aussi sensibiliser nos clients à la problématique du développement durable en scénarisant les campings, en travaillant sur la problématique de l’eau au travers de la détection des fuites ou encore en réfléchissant à l’adaptation des campings au changement climatique. Enfin, le volet sociétal fait également partie de notre réflexion notamment au travers de l’accueil des personnes en situation de handicap, des familles modestes ou des femmes battues, ou encore par la mise en place d’accueil des scolaires dans les piscines d’établissements situés en zone rurale afin de leur proposer des séances d’éveil aquatique pour limiter les risques de noyades.

Extrait du magazine VDL 134 – Janvier 2023